Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Fréquenter une femme plus âgée : en finir avec les préjugés

par Willy 24 Mars 2019, 06:22 Autres

par Nicolas Kirkitadze 

Tartufferie, machisme ou bêtise ? A moins que nous n'ayons affaire à une funeste combinaison entre ces trois fléaux. Le fait est que nous vivons dans une société qui ne verra guère d'obstacle à ce qu'un homme de trente ans fréquente une jeunette à peine entrée dans la majorité mais pousse des cris d'orfraie dès lors que la femme est plus âgée de cinq ans que l'homme au sein d'un couple. Les vingt-quatre ans de différence entre Emmanuel et Brigitte Macron ont ainsi fait couler beaucoup d'encre... et pas que dans la presse people. Vingt-quatre ans, c'est aussi la différence d'âge entre Donald Trump et la belle Melania : bizarrement, personne ne s'en est ému.

Il existe même un terme péjoratif, emprunté à l'anglais, pour désigner les femmes d'un certain âge (disons, à partir de 35 ans) qui aiment à fréquenter des hommes plus jeunes : "cougar". Et ce terme est loin d'être le pire ! On croise aussi, chez les jeunes générations, le mot "Milf", directement issu de la pornographie. Son pendant masculin, "satyre", n'est guère plus usité dans notre langue depuis belle lurette. Ce jugement à géométrie variable entre les libidos masculine et féminine révèle un profond malaise de la société occidentale avec le plaisir charnel de la femme, a fortiori, lorsqu'elle a atteint un âge où la convention sociale lui intime d'élever ses enfants et de commencer à préparer ses futures obsèques.

Lorsqu'une femme ose franchir la ligne rouge et s'afficher avec un homme plus jeune, ce n'est plus sur l'homme qu'est portée l'accusation d'appât du lucre ou de manipulation, c'est au contraire la femme qui fait l'objet de suspicion : libidineuse, nymphomane, quand on ne dégaine pas – arme suprême dans notre société puritaine – l'accusation abjecte de pédophilie.

Brigitte Macron, née Trogneux, en a fait les frais. De nombreux sites de la fachosphère n'ont pas hésité à qualifier de "pédophile" la nature de la relation qu'elle entretient avec le Président de la République qu'elle a connu lorsque ce dernier avait seize ans. Tant juridiquement qu'étymologiquement et moralement, cette accusation est infondée. On aurait pu parler de pédophilie si Mme Trogneux avait entretenu des rapports charnels avec le jeune Emmanuel avant son quinzième anniversaire (21 décembre 1992), or, ils ne se connaissaient pas à cette date puisqu'il n'est devenu son élève qu'à partir de la rentrée 19932, soit, à l'âge de seize ans. On pourrait tout au plus parler d'éphébophilie (ce qui n'est plus un délit) mais même cette assertion tombe à l'eau puisqu'il n'y a aucune preuve que Brigitte Trogneux et Emmanuel Macron aient entretenus des rapports sexuels avant la majorité du futur Président, soit, le 21 décembre 1995. En outre, quand bien même ce serait arrivé, on ne pourrait moralement pas parler d'abus : vous en connaissez beaucoup des victimes qui épousent leurs abuseurs et restent unis à eux durant des décennies ? vous en connaissez beaucoup des violeuses qui quittent mari et enfants, et mettent en danger leur carrière professionnelle pour vivre une relation avec un jeune homme et se dévouer à lui durant plus de vingt ans ? Non, Brigitte Macron est pure de toute souillure et de toute accusation morale. Son seul "tort" est d'avoir aimé, d'aimer encore un homme au destin exceptionnel qui n'a pas l'heur de plaire au bon peuple.

Cette défiance envers les femmes convolant avec de jeunes hommes trouve son origine dans une défiance globale vis-à-vis du plaisir sexuel féminin, longtemps tabou en Occident où la sexualité des femmes n'était envisagée que dans un but procréatif : le clitoris, organe féminin du plaisir, n'était-il pas surnommé "le mamelon de Satan" durant les siècles obscurs du Moyen-Âge ? Typiquement catholique, ce rejet du plaisir féminin se manifeste également dans l'obsession de la virginité mariale défendue mordicus par les Latins : alors que les protestants n'ont aucun problème à prêter une vie sexuelle à Marie, il est impensable pour l'Église romaine que la Mère de Dieu ait pu éprouver du plaisir avec son Joseph ou même avoir eu des penséez à caractère sexuel. Comme si le contact avec un homme souillait irrémédiablement la femme (une vision qui est également défendue, quoique pour d'autres raisons, par une branche extrémiste du féminisme, laquelle voit dans toute pénétration un avilissement de la femme : preuve que, en terme de politique comme en terme de sexualité, les extrêmes finissent toujours par converger).

Il n'est guère étonnant qu'une société ayant déjà maille à partir avec la notion même de plaisir féminin soit plus que circonspecte quand ce plaisir concerne une femme d'âge mûr, a fortiori lorsque celle-ci ose fréquenter un homme plus jeune. C'est tout de suite l'image de la succube, voire de la sorcière qui vient à l'esprit des gens. Car, si la figure de la séduction perverse est aujourd'hui incarnée par le stéréotype du vieux dégueulasse qui donne des bonbons aux enfants, elle fut durant bien des siècles symbolisée par l'image féminine de la sorcière satanique : volant en balai à des sabbats où se mêlaient de manière orgiaque démons, vampires, loups-garous et enchanteresses. Car, outre le fait de jeter des sorts, l'imaginaire populaire prêtait aux sorcières une vie sexuelle dissolue : des accouplements avec toutes sortes de créatures animales ou mythiques, voire, avec le Diable en personne quand elles étaient belles (car, figurez-vous que Satan a du goût…). On leur prêtait également d'attirer à elles de jeunes garçons en leur apparaissant sous les traits d'une belle jeune fille afin de les entraîner dans leur antre pour s'y accoupler avant de montrer leur vrai visage et de massacrer le pauvre nigaud qui s'y était laissé prendre… Le conte d'Hansel et Gretel n'est qu'une allégorie de cette imagerie populaire. D'ailleurs, si un jeune homme s'éprenait d'une femme plus âgée dans les siècles précédents, il n'était pas rare que l'on y voie la main de la magie, et la pauvresse pouvait bien finir sur un bûcher – contrairement au jeune homme qui s'en sortait avec une simple séance d'exorcisme pour "briser le charme de la sorcière".

On ne croit plus aux sorcières aujourd'hui, mais la différence d'âge entre femmes et hommes est toujours aussi mal considérée. C'est que la psychanalyse (version laïcisée du judéo-christianisme) a remplacé les croyances villageoises aux succubes et aux diablotins. Or, l'un des piliers de cette pseudo-science, et de l'imaginaire occidentale en général depuis la Grèce antique, est une peur atavique – et une admiration refoulée – de l'inceste. La fameuse exclamation "Mais, elle pourrait être ta mère !" en est le parfait révélateur. C'est un des sophismes les plus ridicules : une façon de renvoyer le jeune qui s'éprend d'une femme mûre à l'image d'un inceste qu'il commettrait avec sa propre mère. La question se pose : entre le jeune homme en question et celui qui sort ce sophisme, lequel a un penchant refoulé pour l'inceste ? M'est avis que c'est celui qui met le sujet sur le tapis.

L'autre problème vient de ce que notre imaginaire associe l'âge à l'expérience, et, par là, à l'autorité. Si la femme est plus âgée que l'homme, elle deviendrait donc automatiquement le "guide" au sein du couple, ce qui est impensable dans la conception patriarcale qui gouverne les mentalités. Au contraire, il est conseillé aux hommes d'entretenir des relations avec des femmes plus jeunes, réputées plus malléables. Ce ramassis de clichés machistes n'en est pas moins une des raisons profondes de l'opposition aux relations entre femmes matures et jeunes hommes. L'une des notions clefs du masculinisme est en effet la théorie de la "femme-enfant" : pour eux, l'homme devrait être le guide de la femme, l'initier tant sexuellement qu'intellectuellement, lui faire découvrir telle pensée ou telle activité, la modeler à sa guise… ce qui suppose que la femme n'ait pas d'expérience et ne soit pas déjà formée en tant qu'individu. Cette vision extrêmement machiste est par-dessus tout fausse et dénuée de tout charme esthétique. Il n'est rien de honteux (bien au contraire) à être initié par une femme à telle pensée, telle activité, ou même aux plaisirs de la chair.

Au cours de l'histoire, des personnalités aussi diverses et éminentes que Sylla, César, Titus, le Prophète Muhammad, Laurent de Médicis, Concino Concini, Shakespeare, Grigori Potemkine, Napoléon, Goethe, Frédéric Chopin, Dostoïevski, Robert Browning, Habib Bourguiba, Salvador Dali, Tolkien et bien d'autres ont aimé - pour quelques temps ou pour toute leur vie - une femme plus âgée qu'eux, faisant fi des conventions et n'écoutant que leur coeur. Or, à l'aune des railleries acides que suscite en 2019 le couple présidentiel français, on imagiine à quel point la pression sociale et la réprobation devaient être grandes dans des époques plus reculées. Ces femmes ont toutes joué un rôle significatif dans la vie de leur jeunes maris ou compagnons. C'est grâce à sa riche compagne que le jeune Lucius Cornelius Sylla put acquérir une solide culture et se lancer en politique. C'est Joséphine de Beauharnais qui aida le général Bonaparte à revenir en grâce auprès du Directoire et à organiser son coup d'état du 18 Brumaire. C'est Catherine II qui fit du jeune Potemkine un général, lui permettant de démontrer sa maestria militaire sur les champs de bataille. Et qu'aurait été Robert Browning sans Elisabeth Barrett, son amour et sa muse ?

Ce modèle de relation encore marginal, à l'aube du troisième millénaire. D'après les statistiques, en 1980, seuls 10% des ménages présentaient le profil d'une femme plus âgée que l'homme - et encore, la différence excédait rarement cinq ans. Près de quatre décennies plus tard, ce schéma est prépondérant dans 16% des couples français : l'on peut atteindre des différences allant jusqu'à dix voire quinze ans et plus. Malgré tout, nous avons affaire à un modèle encore minoritaire qui suscite encore quelques réserves chez un tiers des personnes interrogées.

Pour l'auteur du présent billet, force est de confesser qu'il comprend fort bien tous ces hommes d'épée, de lettres ou d'esprit qui, à travers les siècles, se sont laissés séduire, dans un langoureux vertige des sens, par des femmes plus âgées qu'eux. Non qu'il n'y ait point de belles jeunes filles, mais rien n'égale à notre humble avis le charme d'une femme de plus de trente ans. Il existe heureusement des étudiantes fort charmantes, mais leur beauté semble solaire : brillante, éclatante, dionysiaque, trop d'apparence, trop de surface et pas assez de profondeur. La femme "mature" a, quant à elle, une beauté plus discrète mais non moins intense, une clarté lunaire troublante, un charme plus affirmé qui n'a guère besoin de prouver quoi que ce soit par un trop-plein d'apparence : l'éclat de Perséphone est remplacé par le charme serein de Déméter. Pleinement féminine, la femme de plus de trente ans est élégante naturellement et possède à ce titre la grâce posée et raffinée d'une dame accomplie. Elle est également expérimentée, dans tous les sens du terme, et s'avère donc pour l'homme à la fois une guide et une précieuse conseillère, une amie et une amante en même temps : se sachant montrer tour à tour maternelle, complice, fougueuse, séductrice, initiatrice, adjuvante, tout en conservant intacte sa part d'enfant intérieure, sa capacité à s'étonner, à être curieuse, à se passionner, à croquer la vie. C'est que l'ouragan de la vingtaine vient de céder la place à un zéphyr agréable, assagi mais rendu plus sûr, plus ferme, plus mystérieux, qui souffle depuis des contrées lointaines en y apportant un parfum inconnu de fruit mûr. La femme est alors semblable à l'été indien, cette période à la croisée des saisons durant laquelle la fougue estivale se mêle à la sagesse mélancolique de l'automne. Les hommes qui, par machisme ou par blocage freudien primaire, se bornent à fréquenter des femmes plus jeunes, sont loin d'imaginer ce qu'ils perdent. Ils passent à côté d'un magnifique jardin dont ils renâclent à ouvrir le portail : les voluptés que dissimule ce jardin leur resteront à jamais inconnues.

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
commentaires

Haut de page